Publié le Dimanche 10 avril 2016 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Il faut être toujours ivre

J’ai un ras-le-bol assez profond, doublé d’une nausée, triplé d’une simple envie de distribuer des baffes, tel Obélix devant des romains crétins et bornés. Un trio d’agacement dû à une société ivre de connerie et d’interdits.

J’ai toujours, comme tout le monde, en fait, à bien y réfléchir, eu une totale aversion pour les profs qui punissent toute une classe parce qu’un élève a fait une bêtise. Cette injustice crasse qui dénote surtout d’une incapacité à gérer le perturbateur, ne devait être qu’un mauvais souvenir une fois adulte. Mauvais, mais lointain. Force est de constater que non.

Mon dernier « raaaah mais quelle humanité de cons, quelle société de cons, quel pays de cons » a été lâché vendredi dernier à la lecture de la levée de bouclier associatif et gouvernemental contre une émission télé rigolote et original. Et un peu trash dans son concept aussi, soit dit en passant.
Je n’ai pas d’affinité particulière avec Mr Poulpe. Les rares fois où je l’ai croisé cathodiquement parlant, , et ce rare se compte sur les doigt d’une main d’un lépreux, il ne m’a rien inspiré à part une profonde indifférence. J’avoue. Mais je suis tombé sur son adaptation de l’émission canadienne « Les recettes pompettes ». Et j’ai trouvé le concept génial. Je vous l’explique : vous faites la cuisine en buvant. L’invité, rapidement rond comme une queue de pelle, commence à faire n’importe quoi. C’est léger, drôle, et si c’est bien aiguillé, ça peut donner des moments totalement cultes.
J’avoue d’ailleurs avoir de l’expérience en la matière. Chaque année, je fais des crêpes au whisky. Une crêpe, une rasade de whisky. C’est devenu une rigolote habitude annuelle – donc rare, notez bien – qui finalement vous fait vous coucher à 21h en titubant, après avoir fait une soixantaine de crêpes et sifflé les ¾ d’une bouteille. Mais c’est drôle. Qui ne m’a jamais vu à genoux, torse nu, en train de chanter « Baby One More Time » juste avant de faire d’un coup de poêle un salto arrière à ma crêpe ne peut décemment pas comprendre.


Toujours est-il que l’émission des Recettes Pompettes a créé un tollé avant même sa diffusion. Les associations luttant contre l’alcoolisme hurlent à l’inconscience. Le Ministère des Affaires Sociales étudie comment faire interdire l’émission.

« La bande-annonce de l’émission (...) représente une incitation à la consommation excessive d’alcool (...). Les conséquences de la consommation excessive d’alcool sur la santé sont trop graves pour être prises à la légère. Il est regrettable et dangereux de laisser croire, en particulier aux jeunes, que l’ivresse serait un comportement anodin, voire valorisant. »

Dixit ce même Ministère des Affaires Sociales.

Et pour parler franchement, cette énième dérive totalitaire commence sérieusement à me courir sur le haricot. A me pomper l’air. A me coller les dents. A me mettre les baguettes en l’air, comme diraient nos amis québécois. Bref, à me casser les couilles.
Parce que les gens sont trop cons, ou parce qu’on les croit trop cons, on interdit l’alcool. Comme si, déjà, l’absence de pubs sur l’alcool avait diminué sa consommation chez les jeunes. La loi Evin est un échec, a toujours été considérée comme tel, mais hein, pour protéger la jeunesse, on la garde bien au chaud.
Alors voir une émission dans laquelle les gens boivent, Jésus Marie Joseph, quelle infamie. Cela va transformer toute la nouvelle génération en alcooliques notoires. Déjà qu’ils sont cons, si en plus ils se mettent à boire…

A quand l’interdiction totale des cigarettes électroniques qui, avec leurs parfums doucereux, peuvent inciter les jeunes à se mettre à fumer ? A quand l’interdiction des vidéos de parkour parce que les jeunes sont trop cons et peuvent décider de sauter d’un immeuble à un autre « pour faire pareil » et qu’on risque, du coup, de se recevoir un ado sur le coin de la gueule en allant chercher son pain ? A quand l’interdiction des youtubers parce que les jeunes sont tellement cons qu’ils vont croire qu’on peut arrêter ses études et devenir sans problème riche en racontant de la merde sur Internet ? A quand l’interdiction des voitures parce que même si 30% sont dû à l’alcool, ça fait quand même 70% pour d’autres raisons ? A quand l’interdiction des plats préparés parce que ça colle des crises cardiaques ? A quand l’interdiction des bonbons parce que ça file du diabète ? A quand l’interdiction des enfants parce que ça pousse à devenir alcoolique ? A quand l’interdiction d’Internet parce que ça incite à la pédophilie ? A quand l’interdiction de la religion parce que ça incite aussi à la pédophilie ?

Autorisons-nous, sous prétexte d’une quelconque protection, à toutes les dérives et interdictions.

Et après, on s’étonne que supplantés par tout un tas de loi à la con, ça nous fasse une génération de débiles incapables de penser par eux-mêmes. L’autorité parentale ne sert plus à rien, le gouvernement veille à leur place.

Aujourd’hui, on vit dans une société d’interdits, de carcans, où chaque phrase, chaque fait, chaque geste, provoque une levée de boucliers. Un acteur noir n’a pas son nom en haut de l’affiche ? Racisme ! Euh… oui mais en l’occurrence, il est inconnu du grand public alors que les autres… Racisme on vous dit ! Un playmobil féminin mange un fruit parce qu’elle pense à sa ligne avant l’été ? Sexisme ! Un animateur organise un faux mariage homosexuel et porte une robe de mariée ? Homophobie ! Euh… oui mais Coluche et Le Luron ils ont… Non, pas pareil ! Homophobie !
Je le sais, moi-même, régulièrement, quand j’explique que dans un jeu, on a une IA de mongolien, j’ai des associations de trisomiques qui me tombent sur le dos. Ou des associations équines dès que je parle de tuer des chevaux. Comme si après m’avoir lu, vous alliez décimer le premier haras venu pour déconner.

Enfin voilà. Désabusé. Fatigué. Nauséeux. Société à la con. Associations à la con. Bienpensants à la con. Politiciens à la con.

La semaine prochaine, je vous parlerai de ces reportages avec les ¾ de l’écran flouté ou l’image inversée parce que « ça fait de la pub et c’est interdit ».