Publié le Dimanche 4 septembre 2016 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Quand est-ce qu'on bouge ?

Et donc, jeudi, c’était la rentrée des classes.
Mes deux rejetons démoniaques ont découvert leurs nouvelles classes sans souci particulier.
De mon côté, j’ai retrouvé la tranquillité et le calme. Plus de « papa, j’sais pas quoi faire ! Tu viens jouer avec moi ? » alors que je suis en pleine écriture d’un test. Ni de hurlements et disputes pendant que je suis au téléphone avec une attachée de presse à qui je suis obligé de jurer sur mon honneur que non, je n’ai pas une salle de torture à côté de mon bureau. Même si, parfois, j’avoue, j’aimerais bien quand même.

La vie reprend son cours, donc, avec son lot de petites anecdotes amusantes :

« Papa, tu sais, dans ma classe, y’a une fille, tu devineras jamais comment elle s’appelle…
- Mmmh… J’sais pas… Tambourinette ? Bistouflette ? Tampaxette ?
- Non, un nom trooooop moche ! Edwige !
- Euh… c’est pas moche Edwige… J’ai très bien connu une Edwige, d’ailleurs, qu’est-ce qu’elle était douée pour suc… euh… enfin… euh… bref, c’est pas moche, Edwige.
- Mais si, euh, c’est trooooop moche ! C’est quoi comme prénom, ça, Edwige. C’est trop nul ! Ça vient d’où ? C’est nul !
- Oui bon, ben chacun ses goûts. Et pour changer de sujet, t’es assise à côté de qui, en classe ?
- A côté de ma nouvelle copine !
- Ah. Et comment elle s’appelle ?
- Chirine ! »

Oui, je sais, moi aussi j’ai explosé de rire. Alors au début, j’ai cru qu’elle se foutait de moi. Parce qu’entre nous, Chirine, ça fait plus maladie vénérienne que prénom. « Docteur, j’ai le gland qui pèle ! » « Ah, ce n’est rien, vous avez attrapé une Chirine, on va vous donner de la pommade pour soigner ça ».
Et puis par souci de conscience, parce que ma fille était incapable de me dire de quelle origine vient ce prénom, je suis allé chercher sur le net. D’abord sur Doctissimo. Et puis sur Jechercherunprénomalaconpourmesenfants.com. Sans résultat. Et finalement, j’ai trouvé sur google, tout simplement. Chirine, ça veut dire « douce, charmante ». C’est un prénom arabe. Tout bêtement. J’avoue donc ma méconnaissance et mon erreur. Mea Culpa. Mea Maxima Culpa. Confìteor Deo omnipotènti et vobis, fratres, quia peccàvi nimis cogitatiòne, verbo, òpere et omissiòne : Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa.

Personnellement, je trouve ça quand même dur à porter, Chirine. Mais vous me direz… Il y a tellement de prénoms à la con qui sont donnés aujourd’hui. Des Djoulyan, Donovane, Athena-Cherokee, Euthanasia, Petite-Neige, Khaleesa, Merdive, Djohanna, Laxman, Perle, Mistral, Venise-Laure, Kenzi, Shauna, Stivéo… Et oui, tous ces prénoms sont de vrais prénoms, donnés à de vrais enfants, qui vont tous aller se pendre quand ils auront conscience du ridicule de leur état civil.

A part ça, le monde continue de tourner. Mais pas rond. Loin de là. Internet et la nécessité d’avoir tout, tout de suite, a tué le vrai journalisme. Les vraies questions sont élucidées. On s’intéresse aux conneries qui nous « touchent » de près, sans aucune vision d’avenir.
Et les Internautes et téléspectateurs, participant de plein gré à l’avènement de cette idiocratie, s’émeuvent qu’on interdise le port d’un maillot de bain intégral, ou au contraire s’indignent qu’on puisse même en porter. Alors qu’à bien y réfléchir, hein, tout le monde s’en fout. Et contrefout. La mise en lumière de ces non-informations non-intéressantes donne de nouvelles occasions aux intolérants, haineux, racistes et autres bas-de-plafond, de déverser leur idées diarrhéiques au grand jour sans que personne n’ait même le cran de taper du poing sur la table, voire du poing dans leur gueule, pour dire « ça suffit, bordel ».

Autre sujet qui passionne les foules, la valse des candidatures à la présidentielle. Oubliant par-là même de nous avertir qu’il s’agit des mêmes têtes de glands qui nous gouvernent depuis des décennies, pourrissant la société, piétinant les valeurs morales, et imposant un carcan sociétal et économique qu’eux-mêmes se chargent bien d’éviter à grands coups de lois rappelant les bonnes vieilles années de la royauté et ses privilèges.

On préfère un gros titre sur un abruti qui se lance dans la campagne électorale, on préfère un gros titre sur une agression, en lui donnant des connotations religieuses, d’une femme aux seins nus sur la plage, au lieu de parler du scandale de la pollution autorisée par le gouvernement des fonds marins méditerranéens, du scandale des fraudes des normes anti-pollution des constructeurs automobiles français (oui, il n’y a pas que Volkswagen) étouffé là aussi par le gouvernement, et j’en passe, et j’en oublie, pour ne citer que deux titres passant relativement inaperçus ces derniers temps alors que merde, si ça continue, on sera tous obligés de se baigner en burkini pour éviter de choper des maladies dans la mer.

Dormez, brave gens. Et continuez d’être cons.