Publié le Dimanche 17 octobre 2010 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Suis-je trop vieux pour ces conneries ?

Dimanche 17 octobre 2010. Il est midi. Et je suis vermoulu après avoir passé la journée d’hier, toute la journée d’hier, à faire de l’enduit sur le mur de ma véranda. C’est long, crevant… et loin d’être fini. J’ai terminé la journée hier soir, vers minuit, à gratter l’enduit pour lui donner un aspect granuleux. Le résultat est toutefois à la hauteur de mes espérances. Voire mieux. Mais bon sang ce qu’est c’est long et difficile.
C’est que Pépère ne se fait plus tout jeune non plus. Bon, j’ai encore de la marge, hein, avant de terminer incontinent à fantasmer devant les infirmières qui me changeront mes couches, contemplant ma morte nouille dont d’ailleurs, le nom m’échappera et puis je me demande bien ce que je fais là et si on a déjà mangé aujourd’hui, voire durant la semaine qui vient de s’écouler.

Bref, même si je suis loin de la retraite (de plus en plus loin apparemment, mais on ne va pas commencer à disserter sur les réformes, les manifs et ma profonde envie de faire du mal, mais vraiment du mal, aux cheminots SNCF et RATP), l’âge se fait un peu plus sentir au fil du temps qui passe. On se remet moins bien des abus du week-end ou des soirées éditeur. Les douleurs musculaires durent un peu plus longtemps et sont un peu plus nombreuses.
La déchéance débute vraiment vers les 30 ans, âge auquel on se rend compte qu’effectivement, on n’a plus la même endurance que, comme dirait Desproges, on s’essouffle un peu plus dans des escaliers ou des femmes trop raides.

Bon, je ne vais pas vous la jouer Calimero ridé non plus. Je viens d’avoir 37 piges mais, entre nous, ça n’a strictement rien changé pour moi. Je n’ai aucun souci avec le temps qui passe, les poils de barbe qui deviennent blancs, les rides qui apparaissent et la forme qui décline. D’autant plus, en fait, que travailler dans le jeu vidéo permet, finalement, de garder une certaine jeunesse, tout du moins d’esprit. La base de travail (les jeux, donc), et les jeunes confrères que l’on côtoie, doublé des lecteurs, permet de garder un pied ancré dans la fraîcheur de l’âge.

Reste que cette semaine, mon anniversaire oblige, on m’a laissé entendre qu’à mon âge, tripoter de la manette, ça commençait à sentir le périmé. D’un autre côté, hein, justement à mon âge mieux vaut tripoter de la manette que tripoter de la minette. Ça fait moins pervers (mais juste au cas où, si tu es jeune, jolie, que tu as envie de découvrir la vie, appelle-moi).
D’autre part, peu de temps après que l’on m’ait fait cette réflexion à la limite de la goujaterie (mais qui ne méritait sans doute pas un aussi grand coup de pelle dans les dents… que voulez-vous, je suis très soupe-au-lait), j’ai été confronté à un autre souci lié à l’âge.
Non, je vous arrête tout de suite, de ce côté-là, ça marche nickel. La machinerie est en pleine forme et le petit soldat se met au garde-à-vous aussi vite qu’un jeune fougueux de 20 balais. Mais c’est gentil de vous inquiéter.
Non, en fait, j’étais dans ma voiture et cherchais une place dans une rue dont le nom m’échappe, d’une ville dont le nom m’échappe aussi, et ça n’a rien à voir avec Alzheimer, c’est juste que ça n’a aucun intérêt. Bref, j’avisais enfin une belle place. Deux, en réalité, se suivant l’une l’autre. Une petite grand-mère, devant moi, décidait de se garer sur la première. Je la laissais donc faire, attendant qu’elle libère la rue pour à mon tour me garer.
J’ai attendu, sans mentir, pas loin de dix minutes (New Order, Crystal, 6 minutes 51 secondes, suivi d’une bonne grosse moitié de Billy Idol, John Wayne, 3 minutes 34). De quoi être légèrement agacé, notamment par le concert de klaxons qui fusaient de toute part derrière moi.
Pour ma part, je me suis garé en deux manœuvres, soit à peine 10 secondes.
La petite grand-mère était peut-être charmante, mais elle accusait au moins 90 ballets. Un bon 90 ballets bien tassés. Et quand, avec un air un peu vicieux, elle m’a lancé un « oh je sais, je suis un peu lente, et puis les jeunes sont toujours pressés, mais il faut savoir prendre son temps en patience », j’avoue avoir cédé à l’impertinence et lancé un « il faut surtout prendre le bus et laisser tomber la voiture à partir d’un certain âge, madame ». Cela dit toutefois avec le sourire et sans animosité. Juste un peu d’agacement.
Qu’elle me pardonne ce manque total de savoir-vivre, j’étais un peu sur les nerfs. D’un autre côté, hein, vous noterez que ces petites pilules que m’ont prescrites les messieurs en blanc me font du bien : je n’ai pas mis le feu à sa voiture ni violé son chien. Ou l’inverse.

Et de me dire, une fois de plus, que la conduite à partir d’un certain âge devrait être, à défaut d’interdite, au moins contrôlée plus fréquemment et plus assidument. Les vieux, sur la route, c’est souvent une plaie. Et ne me prêtez pas une attitude anti-ancêtres ou un caractère irascible. Je dis simplement tout haut ce que tout conducteur s’est un jour dit tout bas dans l’habitacle de son véhicule.

Tout ça, finalement, pour revenir à l’âge limite. S’il devrait y en avoir un question conduite, en faudrait-il un question jeux vidéo ? La question me revenait en mémoire et me frappait en pleine face.
Premièrement, même si je fais figure d’ancien, je ne suis pas le plus vieux dans le métier. Le plus vieux ni le plus ancien. J’estime aussi avoir encore quelques années devant moi à être capable d’exercer ce métier. Reste que, je me vois quand même mal tester le dernier Fifa 23 à 50 ans… Je ne dis pas que je n’y jouerai pas avec les amis de mes filles ou avec mes potes. Mais je ne sais pas si à 50 ans on peut être encore dans le coup. Peut-être, hein. Je ne sais pas. Je ne pense pas spécialement être moins apte, dans une quinzaine d’années, à tester un jeu vidéo et capable d’en définir les qualités et les défauts. Mais mes attentes à ce niveau seront-elles encore en adéquation avec celles du public en général, et des jeunes en particuliers ? Et surtout, aurais-je encore envie de fréquenter lors des présentations ou soirées, des minots pour la plupart encore puceaux et les regarder vouloir m’expliquer leur vision de la vie comme s’ils étaient de vieux sages dont la parole ne saurait en aucun cas être remise en cause ? J’ai comme un doute.

Bref, même si je ne me sens pas encore prêt à rendre les armes (rassurez-vous) face aux cohortes de boutonneux inexpérimentés, je me demande quand même à quel âge je devrais m’estimer périmé pour ce métier. GamAlive deviendra-t-il Gerontoplay ou Papygames ? Les textes écrits en police 18 et des pubs pour les charentaises ou pour les déambulateurs s’affichant fièrement dans les colonnes ?

La question se pose encore* et, à mon avis, mérite d’être posée.

En attendant, je m’en réfèrerai à mon ami Roger Murtaugh : Je ne suis pas trop vieux pour ces conneries.

Et c’est tant mieux.

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* je viens d'ailleurs de voir que je me l'étais posée il y a quelques mois dans l'édito du 11 avril 2010... comme quoi, finalement, Alzheimer...