Publié le Dimanche 21 janvier 2018 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

La magie du Cirque

Le soleil ne s’est pas encore levé, je ne suis pas sûr que ce sera une belle journée, et surtout, personne ne m’a jamais fait le plaisir d’arriver au bon moment avec ses pains et ses croissants. Bon, vous me direz, je ne bois pas de Ricoré au petit-déjeuner. Mais même si j’en buvais, je ne suis vraiment pas certain qu’un gus débarquerait en chantant avec son sachet de viennoiseries et sa baguette.

En attendant, voilà. Il est tôt, trop tôt, et je me suis couché tard, trop tard. Mais l’édito n’attend pas. Les rares fois où j’ai voulu le zapper, voire où je l’ai publié en retard, je n’ai pas manqué de recevoir des remontrances, par mail ou par SMS, de proches, de moins proches, voire de pas proches du tout. Un déferlement de plaintes comparable à une invasion de roumains à un feu rouge. L’édito est incontournable, rendez-vous qui rassemble chaque semaine de nombreux lecteurs, trop nombreux pour que j’y crois vraiment, en fait. Mais trop nombreux pour que je m’esquive aussi…

Alors vous me direz que ledit édito paraît sur le site à 12h chaque dimanche. Et du coup, j’aurais pu l’écrire la veille, voire, comme d’habitude, dans la matinée. Pas la peine de sacrifier quelques précieuses heures de sommeil pour ça. Pour vu qu’on ait un minimum d’organisation. Certes. Sauf qu’hier, j’avais d’autres petites choses à faire. Et que ce matin, je vais au cirque. Et je n'ai jamais eu d'organisation, de toute manière.

Chaque année ou presque, ma chère et tendre qui me voue un amour inconditionnel, récupère via son boulot des places pour aller au cirque. Comme elle sait que les enfants adorent et que moi je déteste, elle ne se prive pas. Et n’oublie jamais de me prendre une place, m’expliquant alors qu’il serait inconvenant de ne pas partager ce moment familial avec mes deux filles, et que donc, non, je ne peux pas rester à la maison histoire d’inviter un pote ou deux faire une journée jeux vidéo. Et tant pis si j’ai déjà acheté les bières, il y aura bien d’autres occasions de les boire.

Je n’y peux rien, je n’aime pas le cirque.

Alors je sais, en ce moment, il est de bon ton de taper sur les chapiteaux en pointant du doigt l’exploitation animale. Ça commence par réclamer l’interdiction d’utiliser des animaux sauvages, puis la prochaine étape, c’est l’interdiction d’utiliser les animaux tout court, puis ensuite ça vous impose de bouffer des graines à chaque repas.
Je crois que je hais plus les mouvements bien-pensants écolos encore plus que le cirque. Je ne vois pas en quoi ça pose problème de fouetter le cul d’un lion pour le faire sauter à travers un cerceau. Je fouette bien le cul de ma femme pour… euh… alors non, pas pour qu’elle passe à travers un cerceau. Mais bon. Hein. Merde à la fin.
Ça vient vous faire la morale à base de « oh le pauvre petit lion, oh le pauvre petit éléphant, c’est inhumain » et ça continue de s’empiffrer de Nutella et autres saloperies indigestes saturées en huile de palme. Avant de venir nous faire chier avec des poncifs du genre « un animal, c’est tellement plus beau dans son milieu naturel », bouge-toi le cul et va le protéger, son milieu naturel. Mais c’est clair, c’est quand même moins risqué de brandir une pancarte devant un cirque sur un trottoir que de risquer de se faire découper à la machette par les exploitants d’huile de palme à Sumatra, hein.

Et la preuve qu’ils sont bien traités, ces animaux : la dernière fois qu’un tigre s’est échappé en plein Paris, il n’a bouffé personne. Il était déjà repu. C’est dommage, cela dit. Ça aurait eu de la gueule. « Mon mari est mort tué par un tigre ». « Ah ? Lors d’un safari ? ». « Non, en sortant du McDo, à Beaugrenelle ». Ça a quand même plus de peps que « il faisait du vélib’, il a été heurté par un Bus RATP… » ou « Il s’est pris un 15 tonnes en traversant la rue sans regarder parce qu’il jouait à Pokémon Go sur son smartphone ».

J’aimerais bien, moi, mourir avec panache. Avec une épitaphe qui claque. Du genre « Il a toujours dit qu’il était fort comme un ours. Ben en fait, c’était un brin exagéré » après avoir été bouffé par un grizzly. Ou « je vous avais bien dit que le Quinoa, c’est dégueu ! ». Voire « Oui, ok, je n’aurais pas dû mentir sur mon poids avant de sauter à l’élastique ». Enfin un truc qui claque, quoi.

Mais bon. En attendant, je vais donc aller voir des gars et des nanas qui tourbillonnent dans les airs comme des singes, tandis que les singes, eux, font des trucs d’hommes, et que des hommes au nez rouge les singent. Chaque fois, j’espère qu’un trapéziste va rater sa partenaire, qu’un éléphant va éternuer au moment où il fait mine de poser son pied sur la tête du dresseur, ou qu’un tigre va se rappeler que merde, c’est qui le plus dangereux dans la cage, au fait ?, voire, que l’acrobate va faire une réception de triple salto arrière sur les cervicales. Non pas que je souhaite la mort d’un artiste, loin de là, ou alors peut-être du clown, mais c’est juste pour mettre un peu de fun dans la représentation, quoi. Qu’elle soit, pour une fois, mémorable. Et qu’au milieu des hurlements d’horreur, y’ai un mec, debout, qui applaudit à bâtons rompus en criant « bravo ! ».