Publié le Dimanche 17 février 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Make My Day, punk

Ma fille aînée a eu des problèmes avec une camarade de classe. Mentalement instable, la camarade de classe, apparemment. Elle a accusé ma gamine de l’avoir séquestrée dans notre salon, d’avoir fait de la magie noire et d’avoir invoqué les esprits. Et a commencé à répandre la rumeur dans son collège.

Bon. Déjà, l’histoire est totalement irréaliste d’un point de vue agencement. Parce que je n’ai pas de porte dans mon salon et que ce n’est pas la meilleure pièce pour y séquestrer quelqu’un. Croyez-moi, j’en sais quelque chose. Ensuite parce que les seuls esprits que ma fille pourrait vouloir invoquer sont ceux de Maître Gims, Dadju et Black M. Et que, d’une part, malheureusement, ils sont encore bien vivants, et d’autre part, s’ils en avaient, de l’esprit, ça se saurait depuis longtemps.

Mais bref. Moi, personnellement, j’aurais surfé sur cette nouvelle réputation pour installer une domination par la crainte et menacer le premier crétin venu de lui envoyer des esprits de tueurs en série s’il ne me filait pas son dessert. Et j’aurais proposé aux copines de les exorciser pour rompre la malédiction d’une mauvaise note. Et non, ce n’est pas moi qui fais les règles, ce n’est pas de ma faute si l’exorcisme implique qu’elles se déshabillent intégralement devant moi, et plus si affinité. J’aurais aussi sacrifié quelques poulets, mais ça, c’est juste pour le plaisir.

Sauf que mes gamines sont des filles bien élevées. Elles tiennent ça de leur mère, heureusement. Des filles bien comme il faut. Comme quoi, « les chiens ne font pas des chats », c’est une expression à la con. D’ailleurs, les loups ont bien fait des Carlins…
En tout cas, elles ont reçu une bonne éducation, malgré mes nombreux efforts pour saper leurs bonnes manières. Même le souvenir de leur père faisant l’hélicobite en chantant « c’est l’amour à la plage, ahou tcha-tcha-tcha » debout sur la table lors d’un repas paroissial n’a pas entamé leur ferme résolution de suivre le bon chemin.

Bon. Lorsque ma fille nous a raconté cette histoire, j’ai réagi avec philosophie, tact et délicatesse. J’ai demandé l’adresse de la camarade de classe pour aller la défoncer.
Quand elle m’a répondu que non, elle voulait régler le problème seule sans impliquer les parents, j’ai dit que les parents de la copine, j’les défonçais aussi.
Et j’ai même proposé de défoncer le directeur s’il ne prononçait pas la peine de mort pour, je m’auto-cite, « cette p’tite pute qui s’en prend à ma gamine ».

Ma femme est intervenue là-dessus et a trouvé que je « sur-réagissais ». Et que je « sur-réagissais » tout le temps dès que ça impliquait mes filles. J’lui aurais bien répondu que je la défonçais elle aussi, mais j’ai préféré attendre le soir, que les enfants soient couchés pour ça.
En tout cas, ma chère et tendre épouse, m’a proposé d’aller boire un whisky pour me calmer. C’est dégueulasse comme stratégie, parce qu’elle sait que ça marche à tous les coups.
Et puis elle a pu discuter avec sa fille et lui a conseillé d’aller voir la direction pour régler le problème.

Et c’est ce qu’elle a fait. Et le problème a été réglé. Et moi, je n’ai finalement défoncé personne. Enfin si, mais c’est privé, ça ne vous regarde pas.

Ça ne m’étonne pas, cela dit. Une génération qui se choisit comme héros des pseudos-vampires métrosexuels façon Twilight ou des sorciers prépubères cons comme des manches à balais de Quidditch, ça ne peut que rechercher la médiation et régler ses problèmes à grands renforts de discussions interminables et de déballage d’arguments.

Moi, à mon époque, Harry Callahan, il n’expliquait pas aux punks que mettre la main au cul d’une MILF, c’était mal, en leur récitant le code civil. Il leur pointait son Magnum .44 sous les naseaux en leur balançant un « Make my Day ». John McLane, il vidait le chargeur de son semi-automatique en criant « Yippee ki-yay, motherfucker! ». Et Joe Hallenbeck, il forniquait avec des écureuils et cognait la tête ou le bide pour mettre fin aux problèmes.

Alors que là, la « p’tite pute qui s’en prend à ma gamine », je vous parie que dans moins de deux semaines, elle remet ça.

Qui sait, on m’laissera p’têt la défoncer, alors.