Publié le Dimanche 14 janvier 2024 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Les bonnes résolutions

C’est quoi cette manie de me demander quelles seront mes « bonnes résolutions » pour 2024 ? Depuis deux semaines, de nombreuses personnes m’ont posé la question. Trop. D’ailleurs, pour moi, une personne, c’est déjà trop, alors plus d’une, ça devient du harcèlement doublé d’une saleté de complot.
Comme si j’avais quelque chose à améliorer chez moi. Comme si j’avais besoin de prendre de bonnes résolutions. Non mais.

On m’a demandé si j’allais être moins méchant.
Perso, je ne me trouve pas méchant. Je surréagis peut-être un peu face à la connerie humaine. Mais ce n’est pas de la méchanceté, bien au contraire, ce serait plutôt de la bonté. La bonté de risquer mon intégrité physique pour améliorer le monde.
J’ai quand même répondu « oui, c’est ça, ma bonne résolution, c’est d’être moins méchant ».

Même ma fille m’a posé la question des bonnes résolutions, soulignant que si je montrais moins mon sgeg à tout bout de champ, elle aurait moins honte de son père.
Perso, je ne trouve pas que je montre mon sgeg à tout bout de champ. Des fois, je le fais au milieu du champ aussi, pas seulement au bout. Et ce n’est qu’en été, quand les températures le permettent. Et ce n’est d’ailleurs qu’à de rares occasions, même si, à bien y réfléchir, toutes les occasions sont bonnes. Et puis, si je ne suis pas là pour le faire, qui maintiendra cette tradition séculaire de l’hélicobite ? Quelle perte ce serait si cette pratique antédiluvienne venait à disparaître. Bref, il faut voir, dans mon geste, le simple gardien d’une tradition.
J’ai quand même répondu « oui, c’est ça, ma bonne résolution, c’est d’arrêter de montrer mon sgeg à tout bout de champ ».

On m’a demandé si j’allais moins boire.
Peso, je ne trouve pas que je bois beaucoup. Je bois à bon escient. Et puis, on ne parle plus d’alcoolo maintenant. Le bon mot, c’est « épicurien ». C’est la tradition de changer les mots que certains estiment désormais trop péjoratifs et les remplacer par d’autres, très cons, pour se donner bonne conscience. Ce ne sont pas les personnes de petite taille qui me contrediront. Et puis j’ai l’alcool festif et de qualité. Je suis un esthète de la picole, un trublion du goulot, un artiste de la descente, un showman du pousse-au-crime, un fantaisiste de la bistouille. Je ne me « torche » pas. Je m’imbibe. Je ne me « colle pas une race ». Je déguste. Je savoure. Je me délecte. Je choisis mes nectars pour sublimer l’instant.
J’ai quand même répondu que « oui, c’est ça, ma bonne résolution, c’est de moins boire ».

Ma femme m’a demandé si j’allais perdre du bide.
Perso, je ne trouve pas que mon bide soit… bon, ok, si. Mais j’ai des excuses. Je suis un « épicurien »…
Oui bon, d’accord… mais d’un autre côté, je préfère me tartiner la panse à base de rillettes truffées, de couscous royal, de tartiflette maison ou d’une bonne petite salade de gésiers confits, plutôt que bâffrer des graines. Je laisse le pâle lin, le chiant chia, le fade chanvre ou encore l’insipide citrouille à ceux qui se prennent pour des oiseaux. Et Dieu sait s’il y en a de nos jours, vu que les réseaux sociaux créent des légions de perroquets.
J’ai quand même répondu que « oui, c’est ça, ma bonne résolution, c’est de perdre du bide ».

On m’a demandé si j’allais moins râler.
Perso, je ne trouve pas que je râle. Je ne fais qu’exprimer une consternation constante face à l’imbécilité quotidienne et le grandissant manque d’empathie et de civisme. Les gens ne pensent plus qu’à leur petite personne et ne regardent même plus autour d’eux le monde qui défile. Tenez, vendredi, entassé dans un bus bondé d’étudiants, j’ai été abordé par une petite dame qui m’a demandé mon aide « parce que vous avez l’air costaud ». Elle avait déjà raté un arrêt parce que personne ne l’avait laissée descendre. Les écouteurs vissés sur les oreilles, tous l’avaient ignorée. Personne n’avait prêté attention à elle et n’avait entendu sa voix frêle quand elle a demandé qu’on la laisse passer pour sortir. Je lui ai donc frayé un chemin. Ça n’a pas plu à tout le monde, il y a eu quelques cris, quelques pieds écrasés par mon quintal à chaussures coquées, mais je peux vous dire que la petite dame a pu descendre à l’arrêt suivant. Et bizarrement, la foule s’est fendue devant moi quand je suis retourné à ma place. Bref, je ne râle pas. Je constate. Et parfois j’agis. Et avoir des chaussures coquées, ça aide.
J’ai quand même répondu que « oui, c’est ça, ma bonne résolution, c’est de moins râler ».

Bref le 1^er janvier, j’ai fait plein de bonnes résolutions.

Et puis il y a eu le 2 janvier…