Publié le Dimanche 24 mars 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Une maison de filles

Toi le fils que je n’ai jamais eu, sais-tu tout ce que nous aurions partagé ensemble ?
Je t’aurais acheté un circuit de voitures électriques et nous aurions passé des après-midi entiers à faire des courses, des tournois, des championnats.
J’aurais sorti ma collection de figurines Star Wars et nous aurions créé les plus belles aventures spatiales jamais écrites.
Nous aurions joué aux jeux vidéo pendant des heures.
Nous aurions regardé le foot ensemble, après nous être commandé des pizzas et ouvert quelques bières.
Je t’aurais appris à bricoler (et à monter les meubles à l’envers).
J’aurais partagé avec toi ma collection de films et t’aurais fait découvrir les héros de mon enfance qui lançaient des « Yippee-ki-yay », des « Je reviendrai » ou des « Adriaaaaaaaan » à tour de bras.
On se serait fait des soirées films d’horreur aussi, avec une pause au milieu pour se claquer un morceau de ciflard histoire de respirer deux secondes avant de retourner se mettre le trouillomètre à zéro…
Nous aurions joué aux jeux vidéo pendant des heures. Oui, je sais, je l’ai déjà dit, mais on l’aurait fait plein de fois, alors je peux le répéter.
Je t’aurais appris à aborder et draguer une fille sans une saloperie d’application.
Je t’aurais appris à être un homme, tout simplement. Mais un homme bien.

Seulement voilà. Aujourd’hui, je vis dans une maison pleine de filles. Et plus le temps passe, plus je me sens largué…

Avant, j’étalais mes figurines Terry Pratchett sur les étagères du salon, juste devant ses bouquins.
Avant, je pouvais décider de me remater la série Alien ou la trilogie du dollar de Sergio Leone que je connais par cœur à force de les avoir vues mais, hé, quand on aime…
Avant, j’avais la moitié de la salle de bain.
Avant, je pouvais rester bouquiner des heures dans mon bain.
Avant, je pouvais rester bouquiner des heures dans mes toilettes.
Avant, je pouvais décider sur un coup de tête de faire une bonne plâtrée de pâtes pour le déjeuner. Et remettre ça pour le dîner.
Avant, je pouvais me balader à poil dans la baraque et faire l’hélicobite debout sur la table du salon en foutant Highway to Hell à fond sur la sono et en chantant à tue-tête.

Mais tout a changé depuis que mon quotidien a été saccagé par des envahisseurs féminins…

Mes figurines cohabitent désormais avec des Lego Friends et j’ai même retrouvé une poupée Disney au milieu des barbares de la Horde d’Argent « parce qu’elle est trop bien coiffée alors il faut l’exposer ».
La seule chose qu’il me reste dans la salle de bain, c’est ma brosse à dents. Mon déo a atterri dans ma chambre, mon rasoir dans ma table de nuit et j’aimerais savoir qui a foutu mon parfum dans mon tiroir à chaussettes.
Elles passent des heures à papoter dans le bain. Résultat, je me retrouve sans eau chaude quand c’est mon tour. Même pas de quoi me faire une petite douche.
Systématiquement, quand je m’installe dans les toilettes, alors que c’était mon dernier refuge, l’une d’entre elles vient frapper à la porte pour que j’en sorte.
Y’a plus de pâtes à la maison. A la place, je me retrouve avec des carottes, des courgettes, des poireaux, du fenouil et du céleri. Et putain, qu’est-ce que je déteste le céleri.
La dernière fois que j’ai voulu faire une pizza, on m’a demandé de mettre de l’aubergine, des asperges et du poivron dessus, mais surtout pas de mozarella « parce que ça fait grossir ». Et putain, qu’est-ce que je déteste les poivrons.

Mieux encore. J’ai décidé de me laisser pousser la barbe. Ne me demandez pas pourquoi, j’ai juste eu envie de le faire. Est-ce pour ressembler au Père-Noël et amadouer les enfants pour mieux les traumatiser ensuite ? Est-ce parce que je vais voir ZZ Top en juin prochain ? Sans doute un peu tout ça à la fois. Mais voilà. Ça pousse, quoi.
Et bien ma cadette a régulièrement envie de me coller des perles et des élastiques dans la barbe « pour faire plus joli » et la grande est bien décidée à me la teindre en rose. Fuschia si possible.

Ah. Et plus d’AC/DC à la maison. Même les Sex Pistols ont été remplacés par la compil’ des meilleures chansons des princesses Disney.

M’en fous. La dernière fois, ça ne m’a pas empêché de faire l’hélicobite debout sur la table du salon en chantant à tue-tête « Libérée Délivrée ».