Publié le Dimanche 23 juin 2024 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Pluie d'insultes

Après l’édito de la semaine dernière, bien évidemment, j’ai eu droit à une vague de mails d’insultes, preuve supplémentaire, s’il en fallait une, de la déchéance humaine décuplée par le sentiment d’impunité lié au fait d’avoir son cul bien à l’abri derrière un écran. Car même si les derniers résultats électoraux semblent libérer la haine orale dans la rue, nul doute que la quasi-totalité des auteurs de ces insultes fermeraient leurs gueules et baisseraient les yeux s’ils me croisaient, de peur de recevoir une grosse baffe dans leur tronche et d’y laisser quelques dents sur le bitume.

Au gré des joyeusetés reçues sur mon adresse mail, j’ai été traité de baiseur de bougnoules, d’enculeur de nègres ou encore de fourreur de youpins.

Et qu’est-ce que vous voulez que je réponde à ça ? Ils ont tout à fait raison.

Dans mes années d’errances amoureuses, j’ai effectivement passé des nuits avec des femmes dont les origines m’ont fait voyager d’Afrique noire en Afrique du Nord, d’Israël en Palestine, d’Amérique du Sud en Asie… J’ai eu des plaisirs charnels avec (quasiment) toutes les couleurs de l’arc-en-ciel dermique féminine. Et si certains de ces instants exotiques se sont perdus dans les méandres de ma mémoire, d’autres restent gravés comme des expériences inoubliables et exceptionnelles, preuve que la couleur de peau ne fait pas la qualité de l’orgasme.

Donc oui, j’ai aimé, parfois un instant seulement, parfois plus longtemps, des femmes de toutes les origines. Et je me suis perdu dans leurs bras, dans leurs univers, dans la chaleur de leur corps, et toutes m’ont offert un voyage sensoriel inédit.

J’ai baisé à l’internationale. Et ce fut magnifique.

Au gré des joyeusetés reçues sur mon adresse mail, j’ai été traité de sale étranger – rapport à mon nom de famille –, de salaud de Corse parce que la « vraie » France n’a pas besoin de cette île de faignants et de dégénérés et, bien entendu, on m’a accusé de ne pas être un vrai Français et d’être une honte à ce pays.

J’évacuerai le côté Corse que l’on me prête de temps à autres pour préciser que mon nom est 100% italien. Et que mon sang l’est à 25%. Les 75% restants descendent d’une longue lignée dont les racines médiévales. Les plus lointaines retrouvées, sont et demeurent résolument françaises. Ce sont peut-être ces 25% qui semblent déranger les défenseurs d’une « pure race » comme on en rencontre souvent, depuis 1933, dans l’extrême-droite.
Je rappellerai juste que ma partie « résolument française » s’est, elle, inscrite dans les valeurs de ce pays, avec, entre autres, des actes Résistants. Des valeurs d’égalité et de fraternité, de défense des opprimés et de soutien aux êtres humains indépendamment de notions de couleur de peau, de religion, de préférence sexuelle ou de rang social qui sont les apanages de la France.

Il faut donc bien être clair là-dessus. La notion même de préférence nationale prônée par l’extrême-droite et ses votants, le racisme, la xénophobie, l’homophobie… sont des sentiments et comportements totalement contraires aux valeurs de la France et sont une honte abjecte envers notre pays et ce qu'il représente. Ce sont ceux qui claironnent et se définissent comme les défenseurs de la France qui en sont les pires traîtres, au final. Ils sont une honte au drapeau et à chaque fois qu’ils entonnent la Marseillaise, leur ferveur est un crachat sur ses valeurs.

Au gré des joyeusetés reçues sur mon adresse mail, on m’a traité de déviant, de pédé, de baiseur de chèvres, on m’a prié d’aller me faire enculer, on a espéré que je meure dans d’atroces souffrances, que ma chère, tendre et aimante épouse se fasse violer, que mes enfants aussi, qu’ils soient tous égorgés, et j’en passe, bref, plein de petits mots tendres et de promesses de moments joyeux de mon existence et celle de mes proches. Avec une mention spéciale pour celui (celle ?) qui m’a traité de baiseur de bougnoules, ce qui faisait de moi un bougnoule également, et m’a promis de me violer s’il me croisait. Y’a un gros manque de logique dans son abjection, si vous voulez mon avis.

Que je meure demain ne m’inquiète pas plus que ça. Au moins, j’aurais vécu pleinement. Je me serais mélangé, physiquement ou intellectuellement, avec toutes les couleurs de la vie. Avec toutes les couleurs de la peau. Avec toutes les préférences sexuelles. Avec toutes les religions. Et j’en serais sorti avec une culture, une ouverture d’esprit, une folie universelle et colorée, une joie de vivre que tous leurs esprits extrémistes et étriqués n’auront jamais. Ma tête, mon coeur et ma bite sont résolument internationaux, plurireligieux et pluriculturels.

Dans ma tête, je suis resté d’une jeunesse consternante.

Et ma jeunesse emmerde toujours le front national.