Publié le Dimanche 9 août 2020 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Petites clopes entre amis

Aaaaah, l’été. J’aime l’été. La chaleur des longues journées ensoleillées. Vous êtes étendu sur votre chaise longue, torse nu, à ne rien faire d’autre que profiter d’un repos bien mérité, et vous sentez les gouttes de sueur couler délicatement le long de votre torse. C’est le signal qu’il est heure d’aller piquer une tête dans la piscine ou dans la mer pour vous rafraîchir.

J’aime l’été autant que je déteste l’hiver. Je préfère de loin me chauffer les testicouilles au soleil que de me geler les arpions malgré les trois épaisseurs de slips en laine mérinos qui les enveloppent.

Et puis l’été, c’est aussi le temps des barbecues. Des rencontres entre potes. On farniente. On profite. On se détend.

Bon. Des fois, ça ne se passe pas aussi bien qu’on l’espérait. Enfin, moi, à la base, ça partait d’un bon sentiment. Pour faire plaisir, quoi. Les gamins voulaient jouer aux fléchettes. Sauf qu’il n’y avait plus de fléchettes. Et comme moi, j’aime bien faire plaisir aux enfants (si, si, je vous assure), et bien je leur ai donné les pics des brochettes à la place.
C’est ma femme qui m’a fait remarquer que j’aurais peut-être dû retirer la viande qu’il y avait dessus d’abord. Que ça aurait évité les morceaux de crépi incrustés dans le poulet, quand les gamins ont raté la cible.
Elle a toujours raison, ma femme.

C’est pareil, quand les gamins ont dit qu’ils testeraient bien un sauna, juste pour voir, parce qu’ils n’en ont jamais essayé un, c’est ma femme qui m’a expliqué que verser les braises du barbecue dans la piscine, c’était une mauvaise idée. Surtout dans une piscine gonflable autoportée. Surtout quand y’a encore les enfants dedans. Parce que ça risque de faire des trous, et après, la piscine s’éventre. C’est fou, d’ailleurs, la puissance que ça a, l’eau qui s’échappe d’un seul coup d’une piscine. Ça vous emporte tous les gamins avec. Et comme en contrebas, y’avait une petite bute avec un arbre, ça fait tremplin. On a retrouvé un gamin dans les branches et un autre incrusté dans le tronc. Au début, je me suis dit qu’avoir perdu deux dents, à cet âge-là, ce n’était pas bien grave, que la petite souris aurait plus de boulot, mais pas de bol, c’étaient ses deux seules dents définitives. Moi je dis surtout que les gamins, de nos jours, ils sont nuls en sports nautiques. Surtout en saut à ski nautique sans ski.

A part ça, je vais bien. Merci de demander. Je profite d’avoir des stagiaires de qualité (oui mais quelle qualité au juste ?) pour prendre du bon temps. Pour me faire des restos. A ce propos, je vais encore me faire des ennemis, mais bon, les gars, prenez un ticket, y’a déjà une longue liste d’attente, à vous faire passer la queue d’une attraction Disneyland pour ultra-fluide, mais je suis définitivement pour l’interdiction de la cigarette dans les restaurants et bars.
Oui, sur les terrasses aussi.

Alors je vous entends déjà beugler à propos de vos libertés, de vos droits, voire même agiter le spectre de la pensée fascisante au-dessus de ma tête juste parce que j’ai un nom italien et que mon grand-père avait des chemises noires. Je l’ai entendu de nombreuses fois, le « on est dans un pays libre », oubliant que non, en fait, on n’est pas dans un pays libre mais dans un pays de libertés, ce qui est foncièrement différent puisque dans ces libertés n’est nulle part indiqué qu’on était libre de faire chier les autres.

Parce que oui, moi, ça me fait chier.

Ça me fait chier de ne pas pouvoir profiter des terrasses parce qu’elles sont tellement enfumées que j’ai l’impression de m’être tapé un paquet de clopes rien qu’en la traversant. Ça me fait chier de déjeuner ou dîner avec des effluves de nicotine à chaque bouchée. Ça me fait chier de devoir scruter chaque table alentours avant d’en accepter une, dans la crainte d’être asphyxié par la fumée, tout en sachant que des fumeurs peuvent s’installer entre temps à proximité. Et par-dessus tout, ça me fait chier que mes gamines aient à subir ça.

Imaginez que je me gare juste devant votre table et que je laisse tourner le moteur, le pot d’échappement bien dirigé vers vous. Demandez-vous juste si vous feriez avec ou si vous gueuleriez ? Et vous répondriez quoi si je vous disais « Ah oui mais on est dans un pays libre ! Alors j’ai le droit ! Si ça te gène, tu changes de table ou tu t’en vas ! ».

Je vous laisse ça là, y’a ma femme qui me demande de bien vouloir lui rendre ses clefs de voiture parce qu’apparemment, j’ai un peu trop reculé et y’a le pied d’un mec sous son pneu.

Ok, ma faute. Désolé. Fausse manip.