Publié le Vendredi 1 mai 2009 à 12:00:00 par Cedric Causette Gasperini

 

Le 1er mai, volez du muguet

Sortez armés

C'est moi ou le prix du muguet explose ?

Je me souviens encore des trois brins à 10 francs que je vendais étant minot, histoire de gagner quelques sous pour aider mes parents. Il faut dire qu'à l'époque, nous vivions dans un petit cabanon, avec mes six frères et mes huit soeurs. Un joli cabanon, cela dit. En bordure de forêt. Le 1er mai était un jour de fête pour nous. Il marquait surtout l'arrivée des beaux jours. Nous n'aurions plus à nous serrer les uns contre les autres pour faire face à l'hiver, les maigres planches de bois de la cabane n'arrivant malheureusement pas à empêcher la froidure de l'hiver venir nous mordre jusqu'au plus profond de nos os. Parfois, d'ailleurs, l'un de nous ne se réveillait pas. C'est ainsi qu'aujourd'hui, nous ne sommes plus que trois enfants.

Mais je garde un souvenir ému de cette période. Nous allions tirer l'eau au ruisseau à côté, marchant avec nos godiots troués d'où parfois sortait un orteil rebelle que nous éraflions alors sur une branche ou une ortie. Nous allions poser des collets pour essayer d'agrémenter le quotidien fait généralement de pain noir et de soupe de racines. Il n'y avait pas de lapin, mais parfois un bête pigeon que nous partagions ensemble. Et un pigeon pour 16, c'est peut-être maigre, mais c'est un repas de fête quand on n'a pas le sou. Parfois, même, à Noël, nous arrivions à mendier assez pour nous offrir un beau festin. Oh, pas de viande, non, c'était bien trop cher, mais quelques carottes ou navets à rajouter dans la soupe.

Bref, le 1er mai. Nous passions la veille à ramasser quelques brins dans la forêt, essayant de ne pas nous faire tirer dessus au gros sel par le garde-champêtre, et, le lendemain, les reins cassés de s'être trop penchés pour ramasser la délicate fleur, nous tentions de nous faire quelques piécettes en les vendant. Parfois même, une gentille dame nous offrait un bonbon. Nous le gardions précieusement pour le partager ensuite entre frères et sœurs, essayant de ne pas le perdre dans nos poches troués de nos pantalons trop élimés. Je me souviens des sucres d'orge que nous sucions chacun notre tour. Des disputes étaient inévitables, l'un ou l'autre tentant d'y aposer deux coups de langue au lieu d'un seul. Si quelques commerçants tentaient de nous chasser de devant leur devanture, je me souviens par contre de la fille de la boulangère qui, parfois, nous apportait un croissant chaud ou une boule de pain fraîche. C'était jour de fête. Même la petite supérette était ouverte, en ce temps. Les gens savaient ce que le mot travail voulait dire.

Et nous rentrions le soir, fiers, serrant contre nous le maigre butin de la journée, tentant d'échapper au garde champêtre, toujours celui-là, qui voulait, s'il nous attrappait, nous mettre à l'amende. Arrivés dans l'unique pièce du cabanon, nous étalions sur la table les quelques pièces, regardant tous d'un oeil émerveillé le métal briller. Ce métal qui nous permettrait peut-être, si nous arrivions à économiser assez, de nous acheter ci-une poule, ci-un couple de lapins et accéder alors à une richesse incommensurable.

(Et là, je me tords de rire en imaginant mes parents, lecteurs réguliers du site, se dire que oui, c'est confirmé, je suis bel et bien complètement fou...)

Bref. Le prix du muguet. Faut juste pas déconner, quoi. 3 € les deux brins dans le meilleur des cas, 4 à 6 € les 3 brins en général... 10 € le petit pot. Euh... il est au caviar votre muguet ? En 15 ans, le prix du muguet a été multiplié par 5 ou 6. Bordel.

Alors n'achetez pas de muguet aujourd'hui. Volez-le. Et collez une baffe au vendeur en hurlant "A bas la vie chère, pourriture capitaliste !". En plus, ça aura d'autant plus de portée que beaucoup d'antennes d'extrême-gauche en vendent.

Voilà.

C'était un communiqué du groupuscule "Des solutions pour faire face à la crise".