Publié le Dimanche 12 juillet 2015 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

La bêtise humaine

Faire un métier public nous expose parfois à des expériences dont on se serait bien passé. Au final. Certes, à moins d’être pleinement naïf ou tout simplement demeuré, on sait que cela va de pair. C’est inévitable. Forcément, un jour ou l’autre, on se retrouve confronté à la bêtise humaine.

Notez bien que ce n’est pas réservé aux métiers « publics ». Chacun peut, à son niveau, être confronté à un abruti de première, même en travaillant dans un bureau. C’est peut-être même plus étouffant, plus angoissant, plus pesant même, puisque l’on travaille avec, qu’on le fréquente quotidiennement ou presque, et qu’il faut, quoi qu’il arrive, le supporter.

La seule différence est que, par notre métier, nous sommes en première ligne.

Ah ça, j'en ai reçues des lettres d'insultes et de menaces. Menaces de coups, menaces de mort aussi, parfois.

Il suffit d’un mot qui serve d’étincelle. Une phrase. Une blague. Une moquerie. Une petite pique. Un rien qui déclenche un feu d’artifice de haine et de stupidité. Et c’est parti pour un festival de connerie. Un festival d’absurdité, de parfaite idiotie et surtout, d’un manque total d’ouverture d’esprit, comme autant de témoignages d’un véritable et profond problème d’éducation. Car il ne faut pas se leurrer. Être un parfait connard est souvent la résultante d’une déficience éducationnelle, un peu comme si, finalement, la connerie était héréditaire. Rares sont ceux qui arrivent à s’élever au-dessus de leur condition.
Autrement dit, si vous êtes un crétin, frappez vos parents, ils le méritent. C’est de leur faute. A contrario, si vous êtes quelqu’un de bien, ils y sont probablement pour quelque chose aussi. Mais frappez-les quand même. Juste pour le plaisir.

Mais revenons à notre sujet. Tellement d'années passées à vous informer et à vous divertir m'ont laissé d'innombrables souvenirs de la bêtise humaine. Une réalité qui parfois vous claque en plein visage. On le sait, pourtant. L’une des lignes de conduite de notre métier n’est-elle pas « ne prends jamais les gens pour des cons… mais n’oublie pas qu’ils le sont » ? A la base, donc, on sait qu’à tout bon mot, à toute moquerie, à toute critique, on risque de voir débarquer des remarques déplacées, des insultes, des menaces, des éructations exacerbées de tristes débiles à bout de nerfs désireux de laisser une trace de leur stupidité. D’ailleurs, on les reconnait aisément : ils ne vont pas défendre leur point de vue. Ils vont attaquer le vôtre. Ils ne vont pas chercher à défendre le jeu, l’auteur, les faits, ou le courant de pensée, voire même la religion que vous attaquez ou moquez, mais chercher à vos insulter, vous rabaisser, dans l’espoir d’enlever tout crédit à vos propos. Ils vont vous traîner dans la boue, dans la merde, juste pour que vous en preniez l’odeur, en pensant que cela rendra putrides vos propos. Mais jamais, Ô grand jamais, ils ne vont y répondre ou chercher à argumenter. De toute manière, la plupart du temps, leurs capacités intellectuelles les en rendent bien incapables.

Ils sont des centaines. Des milliers. Voire même des millions sur la toile. Ces Djihadistes de l’imbécilité. Ces fascistes de la pensée unique. De leur pensée unique.

Je suis parfois passé par le doute, parfois par le désespoir, parfois par l'envie de tout laisser tomber, tout envoyer valser et aller voir sous d'autres cieux si l'homme y est moins stupide et moins dangereux. Comme une envie de repli définitif pour me mettre à l'abri de ces flots tumultueux de l'idiotie, pour protéger aussi ma famille. Se renfermer pour vivre mieux. Plus en sécurité. Cela m’arrive encore parfois. J’avoue. Des moments où la force me manque. Où je me dis que l’humanité est trop conne pour la supporter. Fuir. Loin. Le plus loin possible. Loin de ça.

Et pourtant j’y retourne. Inlassablement. Peut-être est-ce moi, finalement, le crétin de l’histoire. Peut-être me berce-je de rêves inaccessibles. Mais je continue. Encore et encore. Sans dévier de ma ligne directrice. Et je continue de me dire que notre site a un rôle important. Pour éduquer, ouvrir les esprits, échanger, débattre. Je me dis que nous sommes encore un petit ilot où la dérision et l’humour ont encore leur place.

En attendant, donc, je continue à entendre que je suis une merde. Un déchet. Que je mériterais de mourir. Qu’on devrait me péter les deux mains pour que je n’écrive plus jamais. Dernièrement, certains ont regretté que je ne sois pas parmi les victimes des derniers attentats. On m’a souhaité de crever dans un accident de voiture avec toute ma famille. On m’a même souhaité de voir mourir mes enfants sous mes yeux. On m’a donné des leçons de journalisme. On m’a donné des leçons de bon goût. On m’a expliqué l’intelligence. On m’a traité de bâtard. De fils de pute aussi. On m’a traité de sale pédé. De sale juif aussi. De sale arabe. On m’a aussi une fois conseillé de rentrer dans mon pays.
Parce que je me moquais d’un jeu vidéo. D’un youtuber. D’un développeur. D’un éditeur. D’un chanteur. D’un parti politique. Ou parce que je prenais position sur le mariage pour tous, sur la religion musulmane, sur les tongs, sur les routiers…

Tant de sujets qui méritent, en effet, qu’on méprise, qu’on insulte, qu’on rabaisse, qu’on menace, qu’on tue.

Bienvenue dans le monde réel. Bienvenue dans une réalité où la bêtise humaine ne semble pas avoir de limites.

Et vous croyez que ça va m’empêcher de continuer ?

HA HA HA !