Publié le Dimanche 6 septembre 2020 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Mes adieux

Nos lecteurs assidus le savent bien, j’ai une passion secrète. Qui n’a, en réalité, de secrète que le nom puisque je l’évoque régulièrement dans ces colonnes. Un petit plaisir assez singulier, je l’avoue, que je pourrais sans doute placer dans le top 5 de mes hobbies les plus chers. Et quand je dis cher, je veux dire, qui me tient à cœur. Même si du cœur, finalement, on ne parle guère. Et d’ailleurs, quand je parle de « mes hobbies », permettez à l’oral que je fasse la liaison entre « mes » et « hobbies » pour une sonorité plus à propos.

Bref, toujours prêt à ambiancer les soirées, voire même, parce qu’il n’y a pas d’heure pour se faire plaisir, les nuits, les matinées, les déjeuner et les après-midis, je ventile à tout va de mon organe qui, depuis, s’est forgé une solide réputation de souplesse et de figures esthétiques.

Certains parleront en pouffant de « zizicoptère », d’autres en gloussant de « cyclone membré », quand moi je préfère, en toute simplicité, parler d’hélicobite. Un terme clair, précis, doté d’un brin de vulgarité pour choquer les ménagères depuis trop longtemps assagies.

Seulement voilà, j’ai décidé de mettre un terme à ma carrière.

Parce que le temps ne fait rien à l’affaire, que mon bassin craque un peu plus, que mes hanches n’ont plus la même rapidité d’exécution et que, il faut bien le dire, un père doit parfois se mettre en retrait pour ne plus faire honte à ses gamines, j’ai décidé de raccrocher les gants.
Et là aussi, c’est une image, parce que l’hélicobite, madame, ça se fait sans gant. Mains sur les hanches au début de la prestation pour imprimer un léger mouvement circulaire, mains ouvertes devant soi au plus fort de l’évènement et mains derrière la tête pour un final éblouissant.

Ah ça, j’en ai hélicobité, des soirées entre amis ou même des réunions familiales.

C’est désormais le cœur lourd, mais la zigounette légère, que je tourne cette page de débauche. Du moins, d’une partie de mes débauches puisque, et encore une fois nos lecteurs assidus le savent bien, à ce niveau-là, le mot « débauche » s’écrit au pluriel et s’étale en une longue liste qu’il serait fastidieux (et bien trop chronophage) de dévoiler ici.

Soucieux de partir en beauté, j’ai donc profité du forum des associations couplée à une sorte de mini-fête du village là où nous habitons, pour faire mes adieux en public.

Devant un parterre de badauds proprement ébahis, j’ai donné un dernier récital, debout sur une estrade, me lançant dans une prestation à mi-chemin entre un show de Michaël Jackson, un solo de guitare d’Angus Young, un spectacle de Mylène Farmer et une chanson d’Annie Cordy.
La foule en délire, les femmes tombant en pâmoison, les hommes entre jalousie et admiration respectueuse… ce fut un dernier show à la hauteur de ma réputation, à la hauteur de mon titre de Maître hélicobite, à la hauteur de mon talent.

Je terminais, au final, sur une figure que nous ne sommes que deux à maîtriser dans le monde, et encore, le second est décédé il y a plus d’un siècle, à savoir une double hélicoïdale inversée.

Et c’est sous les applaudissements déchaînés que je m’en suis allé, tête et bite hautes, vers de nouvelles aventures.

A savoir, une garde à vue.