Publié le Dimanche 24 juillet 2022 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
L'Edito du Dimanche
Destination finale
J’aurais dû mourir du Covid. C’était ce qui était prévu par le destin. C’est ce qui était écrit dans ma feuille de fin de vie. C’est ce que la mort avait décidé pour moi. Jamais je n’aurais dû survivre. Vous devriez, à l’heure même où vous me lisez aujourd’hui, être, pour certains en train de me pleurer, pour d’autres en train de fêter ça.Mais jamais je ne devrais être là, à écrire un nouvel édito.
Mieux encore : La Mort en a profité pour tuer mon goût et mon odorat, mais à grands renforts de rééducation à base de sniffage de basilic et de déjections canines, mais aussi de léchages d’aisselles transpirantes après plusieurs heures de sport, j’ai réussi à raviver mes deux sens.
J’aurais dû mourir du Covid. C’est ce que la mort avait décidé pour moi. Et vous savez comment je le sais ? Depuis, elle essaie de me rattraper.
Un peu comme dans la saga de mauvais films Destination finale, où une bande de jeunes échappe miraculeusement à la Mort et elle revient les prendre un à un par des moyens plus cons les uns que les autres.
Je suis une bande de jeunes à moi tout seul et depuis quelques jours, la mort tente de me rattraper. Par des moyens plus cons les uns que les autres, là aussi. Sauf que je suis tellement habitué à faire ou à ce qu’il m’arrive des trucs cons, que pour le moment, j’suis à un niveau au-dessus et j’en sors vainqueur.
Je suis parti pour une petite semaine de vacances, à la cool, en attendant de plus longs congés en août. Petit road trip autour des châteaux de la Loire…
Et la Mort a voulu faire son office dès lundi. Petite balade en vélo sous 40°C, pour maintenir la forme. Vous pariez sur une insolation ou déshydratation ? Perdu ! Ça aurait été trop facile. Non, lors d’un passage pas forcément compliqué, mon vélo s’est bloqué inexplicablement et m’a envoyé valdinguer dans les buissons. Je me suis éclaté comme une bouse. Mais pas dans n’importe quel buisson ! Dans un Pyracantha. Vous savez, celui avec des épines tellement pointues qu’elles ne vous piquent pas, mais vous empalent. Je ne dois ma survie qu’à ma condition physique hors-norme. Si, si. Et aussi le fait que je sois tombé sur le cul et le dos. Et que j’ai suffisamment de rembourrage naturel pour qu’aucun organe vital n’ait été touché. Mais j’ai quand même le corps dans un état de perforation qui ferait pâlir Jésus Christ de jalousie.
Il a fallu le concours de deux personnes pour me sortir de là, constellé d’épines que ma chère, douce et tendre épouse a retiré une à une, tout en se foutant allègrement de ma gueule.
Pour oublier la douleur, j’ai décidé de partir faire une promenade en kayak sur la Loire le lendemain. Si vous suivez mes aventures depuis au moins un an, vous connaissez ma récente passion pour ce sport pour lequel, il faut bien l’avouer, je n’ai absolument (mais absolument) aucun talent naturel. Je me suis donc collé à l’eau, tout heureux de découvrir un nouveau cours d’eau.
Quelques dizaines de minutes plus tard, la tempête prévue initialement pour la nuit a éclaté de manière inattendue et un orage violent s’est abattu sur moi. J’ai pagayé au milieu des éclairs, dans un décor apocalyptique, pendant plus d’une dizaine de kilomètres pour rejoindre mon point d’ancrage. Ni le vent, ni la foudre, ni les tourbillons ne sont venus à bout de mon embarcation. Le fait d’être une grosse buse en pagaie et de faire des mouvements totalement imprévisibles y est sans doute pour beaucoup. Et bien entendu, une fois à quai, la tempête s’est arrêtée.
Mercredi, nouvelle promenade en vélo. On a pédalé jusqu’à une chouette petite écluse sur le Cher, pour y pique-niquer. Une fois arrivé sur place… mes freins ont lâchés. En bas d’une côte. J’ai foncé droit sur le cours d'eau, dévalé le fossé en roue arrière, ai rebondi sur les rochers, pour terminer sur la crête de l’écluse, en plein milieu de la rivière. Mais toujours sur mon vélo. Un poisson a même sauté le barrage et est passé entre les rayons de ma roue avant. Je me suis retrouvé les pieds dans l’eau, les roues dans l’eau, bref, dans une position assez inconfortable avec, d’un côté, le courant qui me poussait et de l’autre, un dénivelé de trois mètres avec en contre bas des rochers. Impossible de bouger sans faire le grand saut. Il a fallu venir me chercher en barque, pendant que ma chère, tendre et aimante épouse faisait un léger malaise d’avoir trop ri.
Jeudi, j’ai bien checké la météo et comme elle était bonne, j’ai opté pour une promenade en canoë, pour me rappeler mes années sioux. Si, si. J’ai été sioux dans ma prime jeunesse. Je vous raconterai ça un jour. Et bien un couple de cygnes n’a pas spécialement apprécié de devoir partager le cours d’eau avec moi et ils ont décidé de me charger. Moi et seulement moi. Pas ma chère, douce et tendre épouse qui était en tête de l’embarcation, mais juste moi, à l’arrière. J’ai esquivé le premier grâce à un réflexe que je ne me connaissais pas et le deuxième grâce à un déhanché à faire pâlir Shakira. Puis j’ai mis en pratique avec ma rame mes années de batte de baseball pour me défendre.
Le soir, au moins, on a mangé du cygne.
Vendredi, c’est un spectacle équestre nocturne en plein air, devant lequel nous nous sommes arrêtés, qui a dégénéré. Un cheval est devenu fou et est parti au galop, sautant le premier rang d’enfants, évitant soigneusement toutes les personnes du public pour foncer sur moi et juste moi. Alors s’il y a des hommes qui murmurent à l’oreille des chevaux, moi, je me suis découvert la capacité de crier à la gueule des bourrins. Ajoutez une esquive, une tarte bien placée derrière la tête, et le canasson s’est calmé devant le regard ébahi des spectateurs. Non parce que faut pas déconner quand même. Tué écrasé par un ragondin, une loutre ou un canard, pourquoi pas. Mais un cheval ? JAMAIS !
Parce que je ne m'avoue jamais vaincu par la mécanique, j'ai remis ça pour une balade en vélo, dans les marais, samedi. Dépaysement assuré. Peu de monde, petits chemins caillouteux, bref, tout pour mourir mangé par un alligator ou vidé par des sangsues. Tant qu’à faire, hein, si la Mort me cherche, autant la provoquer. C’est qui, le boss, bordel ?
Ça n’a pas loupé. Pour un beau vélo révisé il y a deux semaines, ça fait quand même bizarre, tous ces incidents. Là, c’est la direction qui s’est bloquée. En arrivant dans un virage. Heureusement, des arbres ont arrêté mon vélo, qui est resté sur la berge. Malheureusement, moi, je suis passé entre deux troncs, ai arraché quelques branches, avant de finir la tête la première dans le marais. Il n’y avait pas d’alligator. Mais des canards, furieux d’avoir un machin de cent kilos leur défoncer leur nid. Pas de sangsue non plus. Mais des écrevisses. Bref, dans ma chute, j’ai éclaté deux canards, je suis ressorti trempé avec des écrevisses dans le short, mais bel et bien vivant…
Alors je sais bien que vous n’allez pas croire un seul mot de tout ce que je viens vous raconter. Vous allez vous dire que ce ne sont que fabulations et billevesées, exagérations et contes pour adultes. Mais je vous assure que tout est vrai.
Tiens, si je mens, que la Mort me foudroie à l’instant même. Ou qu’elle m’envoie un cygne.
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