Publié le Dimanche 28 janvier 2024 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Des bites dans la neige

Je l’ai déjà dit, je ne suis pas un gars d’hiver. Certes, aller gambader dans la neige pour faire l’abruti, m’élancer en luge depuis une bute dans l’espoir de finir ma course dans les guiboles de passants pour jouer aux quilles hivernales et dessiner des bites dans la poudreuse toute fraîche, ça me plait.
Mais dans l’ensemble, je préfère quand même le soleil d’été. Aller gambader dans la mer pour faire l’abruti, m’élancer en surf depuis une vague dans l’espoir de finir ma course dans les gencives de baigneurs pour jouer aux quilles estivales et dessiner des bites dans le sable fin, je préfère.

Tout ça pour dire que je suis crevé. Mais du genre à me foutre au lit à 21h avec une tisane et faire une nuit de 10 heures pour le lendemain, me réveiller encore plus crevé. Ça doit être la faute de la tisane, tiens.

J’étais tellement crevé que j’ai décidé d’aller dans le Nord en train, cette fois-ci, et non pas en voiture comme à mon habitude. Comme quoi, des fois, je peux quand même avoir du bol. Parce qu’au lieu de 4 heures de bagnoles, avec les manifestations des agriculteurs, j’en aurais sans doute mis 3 ou 4 de plus.

Non mais vous avez vu ce bordel ?

Alors on va mettre les pieds dans le plat de suite, histoire de couper court à toute interrogation. Je ne soutiens absolument pas les manifestations des agriculteurs.

Voilà. Je laisse les abrutis et mous du bulbe arrêter là leur lecture et m’envoyer leurs mails d’insultes et de menaces, comme d’habitude, avant de développer.

Je ne soutiens pas le mouvement des agriculteurs parce que je dois avouer que pendre un sanglier pour l’éventrer en pleine rue en guise de protestation, j’ai du mal à saisir l’idée. Un chat, à la rigueur. Ou un cheval. Mais un sanglier, merde. C’est complètement con. Saccager un McDo, je peux saisir l’idée aussi. Mais quand c’est en guise de représailles parce qu’ils ont refusé de vous offrir des cafés gratuits pour « soutenir la cause »… Et puis j’avoue, j’a bien ri devant les pancartes « Consommez local », « Soutenez la filière française », posées à côté d’une table où trônait un pack de… Heineken.

Mais plus que tout ça, plus que ces écarts isolés qui montrent que les agriculteurs sont bel et bien des gens comme les autres, à savoir qu’il y a aussi dans cette profession de gros abrutis, ça me gonfle cette décision systématique de faire chier le monde pour porter ses revendications.

Et qu’on ne me réponde pas que « y’a que ça aujourd’hui pour se faire entendre ». C’est simplement… stupide.

Oui, tartiner les préfectures et autres établissements gouvernementaux de lisier, c’est drôle. Et c’est ciblé. Il y a plein d’autres bâtiments à tartiner, plein de ministères, plein de centres d’impôts…
Mais au fait de bloquer les autoroutes pour emmerder les gens, je préfèrerai toujours ceux qui prennent d’assaut les barrières de péage pour des actions « portes-ouvertes » (ou plutôt barrières ouvertes). Ce qui, au passage, serait un double message, après une augmentation record des tarifs en 2023 et une augmentation très soutenue prévue cette année encore pour un secteur qui chaque année engrange des bénéfices indécents.

Enfin bref, il y a plein d’autres idées que de molester un chauffeur de poids lourds qui transporte des denrées venues d’Espagne, menacer un confrère qui, lui, arrête la « grève » et retourne bosser dans son exploitation ou saccager un supermarché entier.

Vous noterez, quand même, que c’est la forme que je condamne. Pas le fond. Parce que les raisons de la colère peuvent, elles, bel et bien se comprendre. Et avant que l’on ne m’accuse de tous les maux de la société, je préciserai que depuis plusieurs années déjà, je me refuse au maximum à acheter des fruits et légumes étrangers. Quitte à y laisser un salaire par an. Que ma viande est française. Que mes œufs sont français. Que mon lait est français.

Même ma voiture est française. Et j’aimerais justement pouvoir la prendre sans risquer de tomber sur un gros con aviné qui veut me bloquer la route.

(oui je sais, elle est bien celle-là, bien agressive, idéale pour recevoir des mails d’insultes)

Sur ce, vivement qu’il neige. J’ai encore des bites à dessiner dans la poudreuse, moi.